J’ai travaillé deux semaines avec Michel Polac

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Michel Polac s’est éteint à l’âge de 82 ans. Paix à son âme.

Ses amis journalistes et même ceux qui, parmi les journalistes, étaient jaloux de son succès, lui dressent un panégyrique.

Moi, je lui dois de m’avoir fait comprendre que le moindre sujet diffusé à la télé est un show. Tout est soigneusement sélectionné et monté en fonction de l’idéologie du rédacteur en chef de l’émission. Qu’il s’agisse d’information, de documentaire, de reportage ou de débat, aucun sujet n’échappe à la subjectivité de ses maîtres. Tout ce qui est « vu à la télé » est le résultat d’un tri effectué selon les critères du politique et du commercial en vigueur. On peut ajouter à ces motivations l’inévitable cirage de pompes.

Les débats de Droit de réponse étaient aussi spontanés qu’un film de science fiction. D’abord parce que l’émission était projetée en différé après avoir été montée à partir des prises de vue sélectionnées par Polac, après que le cameraman ait filmé selon son bon vouloir et que le réalisateur soi-même ait sélectionné les moments ou les gens à montrer. Avec au moins trois filtres on comprend que ce qui est projeté à l’écran soit souvent très éloigné de la réalité. Mais cette pratique étant une seconde nature chez les journalistes décideurs, on ne s’étonne plus de leur mauvaise foi dans des circonstances critiques.

Je pense à l’affaire Al Dura qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive, les journalistes défendant bec et ongles Charles Enderlin, les Juifs et les Israéliens dénonçant une manipulation. En effet ce qui m’a toujours intriguée et m’intrigue encore dans cette histoire c’est que la télé ait balancé des images envoyées par Enderlin, que ces images avaient été filmées par son cameraman palestinien alors que le grand reporter n’était pas sur place et que pourtant il les commentait. Là aussi entre la réalité et la diffusion, nous avons trois filtres. Cette simple observation devrait permettre le doute …

Au départ, sur un sujet donné, Polac et son assistante, Catherine Sinet, donnaient aux journalistes pigistes (on disait des « kleenex ») les noms des personnes à contacter pour leur demander de participer à l’émission. Il s’agissait de gens habitués des plateaux télés considérés comme « interlocuteurs valables » dans la profession.Il nous était laissé fort peu de latitude pour élargir le cercle des intervenants mais cela n’était pas interdit et si nous les vendions à Polac avec persuasion, il acceptait de les prendre lui même au téléphone pour les inviter ou les éliminer.

Je découvris que Polac ne recherchait pas d’intervenants étrangers à son premier choix pour enrichir le débat par leurs connaissances et leur science mais pour mettre du piment dans son émission en les ridiculisant. « Droit de réponse » fut un des premiers produits français d’infotainment (information et divertissement-information+entertainment)

Pour la préparation de l’émission l’équipe était hébergée dans l’immeuble de la SFP aux Buttes-Chaumont, sur l’ancien emplacement des studios Gaumont-Pathé. Nous disposions d’un grand local attribué aux pigistes et Catherine Sinet occupait un bureau avec ses favorites. Elles laissaient parfois la porte ouverte afin que nous puissions profiter de leurs discussions passionnantes sur le point G, sur leur bronzage ou sur le politiquement incorrect « sioniste » de leur collègues juifs à Libération. Catherine Sinet était l’épouse du dessinateur anti sioniste Siné. Elles faisaient au moins aussi bien que les mecs avec leurs propos vulgaires et leurs potins malveillants. Des langues de vipères  qui ne font pas honneur aux femmes.

Parmi les favorites, il y avait une femme BCBG, pomponnée des pieds à la tête et vêtue de vêtements luxueux. Elle avait un contact avec une célébrité et son travail consistait à attendre qu’elle la rappelle. Pendant que mes autres collègues et moi-même nous escrimions à solliciter des gens au téléphone, cette diva se lustrait les ongles…

Je garde toutefois deux souvenirs personnels touchants de ma collaboration avec Polac. Le premier est la fierté affectueuse avec laquelle il avait exhibé sa sacoche en cuir en disant que c’était un cadeau de sa fille. Le second est l’intérêt que nous avions partagé pour Brenda Wooton, la diva des Cornouailles http://www.youtube.com/watch?v=-2lQHGo8MO0&feature=related

J’ai beaucoup appris pendant ma vacation de deux semaines et je suis encore reconnaissante à Michel Polac de m’avoir fait découvrir comment travaillaient les journalistes qui composent nos programmes. Depuis ce temps là, je ne regarde jamais les débats télévisés et je m’adonne essentiellement à l’ivresse facile de la fiction, surtout celle des séries américaines…

Une réponse "

  1. Excellent article
    Polac était à l’information ce que la télé réalité est à Shakespeare.
    Le pire est bien l’auréole que lui ont forgé, pendant et après, les petits messieurs du « ce qui se dit ce qui se pense « .
    Je ne savais pas à quel point était maitrisée la fabrication de cette pseudo spontanéité.
    Polac a ouvert la voie à une race d’imposteurs qui suivent sa voie.

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  2. Polac a révolutionné le Paf certes mais a commis des erreurs et aurait pu être sanctionné pour ce qu’il a fait d’ignoble bien qu’il ait regretté. Le site Sott amène une info à vérifier et à prendre avec précaution car j’ai un peu du mal à croire étant donné que les écrits pédophiles ne sont pas condamnés comme quoi il aurait été condamné par la Cour d’Appel de Paris le 5 février 2010 à 50000 euros d’amende. Ce site a des sources complotistes aussi.

    http://fr.sott.net/articles/show/8084-Elites-pedophiles-liste-non-exhaustive

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  3. laconnectrice

    Je ne suis pas au courant de ces rumeurs, je n’en ai jamais entendu parler et je ne possède aucun indice sur cette question.

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  4. Quid des accusations/rumeurs (?) de pédophilie?

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