Le Point : Êtes-vous nostalgique deux ans après votre départ de RMC pour Sud Radio ?
Brigitte Lahaie : Non, curieusement, je n’ai pas eu le temps d’être triste d’être virée de RMC, où j’étais depuis déjà quinze ans. Et j’ai été rapidement sollicitée par Sud Radio. Au début, mon mari a dû me pousser à aller travailler comme si j’étais une élève qui ne voulait pas reprendre les cours. L’aventure se passe très bien à Sud Radio. J’ai la chance de maîtriser les invités et de pouvoir garder les auditeurs en ligne plus longtemps. À RMC, où j’ai tout appris de mon métier, il y avait ce côté très rythmé qui pouvait nuire à une émission de confidences. Or, c’est souvent en laissant l’auditeur avancer qu’on découvre le lièvre, le plus grave de sa problématique.
Êtes-vous prête à continuer encore longtemps ?
Je ne sais pas. Je vis au jour le jour. J’ai plus de 60 ans et, si demain je touche ma retraite, je ne vais pas me plaindre !
Parler amour et sexe à l’heure de la sieste peut sembler bizarre…
C’est une idée qu’a eue Alain Weill en lançant RMC info en 2001 et qui s’inspire des États-Unis. C’est un bon créneau pour avoir des couples de manière séparée. Quand on parle de son infidélité, mieux vaut que personne n’entende la conversation…
Vous avez, en quelque sorte, libéré la parole avant #MeToo !
C’est très bien que la parole se libère avec #MeToo, que la société dans son ensemble prenne conscience qu’il y a une réelle violence faite aux femmes. Mais il ne faut pas que cela donne l’impression aux femmes qu’au moindre truc qui ne leur convient pas, elles peuvent aller porter plainte.
Comment les relations hommes-femmes ont-elles changé depuis ?
Des hommes me disent qu’ils n’osent plus offrir un café à des collègues femmes. Il y a une forme d’autocensure. Les hommes ne savent plus trop comment séduire les femmes. Et draguer, n’en parlons même pas ! D’un autre côté, beaucoup de femmes vont sur des sites de rencontre et consomment en se comportant comme des mecs. Certaines m’appellent car elles en ont marre qu’aucun homme ne les considère alors qu’elles veulent au fond créer une vraie relation. Donc, les femmes ne s’y retrouvent pas non plus. Il y a un vrai problème de rapports hommes-femmes.
Récemment, je parlais à un médecin urgentiste qui n’ose plus palper une femme s’il est seul avec elle dans la pièce. Un médecin ! Et je pense que l’islam n’arrange pas la situation. Presque personne n’ose le dire, moi si. Les femmes de culture musulmane vont être plus vite aptes à se sentir agressées. Chez l’homme de culture musulmane, il y a encore plus de travail à faire pour qu’ils respectent les femmes qui leur disent « non ». La culture influence énormément nos mœurs et notre rapport à la sexualité. Seule l’éducation peut changer cela.
Lire aussi Eugénie Bastié : « Avec #MeToo, c’est un 1793 sexuel qui se joue »
Après la polémique à propos de votre phrase sur le viol, pourquoi avez-vous décidé d’écrire Le Bûcher des sexes ?
Cela m’a permis de poser les choses au-delà de mots sortis de leur contexte. Mais, oui, on peut jouir même lors d’un viol. Cela peut surprendre, beaucoup de gens ne le savent pas. C’est une vérité qu’on n’a pas envie d’entendre. Dit par moi, c’est d’autant plus mal interprété. Si un médecin l’avait dite, cela n’aurait pas fait polémique.
Vous ne regrettez donc pas cette phrase ?
Non, je ne regrette rien. Des gens m’ont remerciée d’avoir dit ce qu’ils n’avaient jamais pu dire à leur thérapeute. Aussi bien des hommes que des femmes. D’ailleurs, on n’entend pas assez la voix des hommes qui ont subi des abus sexuels à un jeune âge et qui ont joui. Car quand on fait une fellation à un gamin de 14-15 ans, il peut jouir alors qu’il a été abusé.
En plus, si cela a été très douloureux pour moi, cela m’a permis de réaliser que quoi que je fasse, je resterai « la scandaleuse », une ex-actrice pornographique. Avec ces années de radio, je pensais que j’avais acquis mes lettres de noblesse. Eh bien, non. Il restera toujours cette tache… qui fait aussi ma force ! Aujourd’hui, je me sens plus épanouie. J’assume enfin entièrement mon passé.
Avez-vous mal vécu d’être lâchée par les femmes cosignataires avec vous de la tribune publiée dans Le Monde ?
Ce qui me fait sourire, c’est que sur les 100 femmes qui ont signé la tribune, il y en a une trentaine qui l’ont fait grâce à moi. Je l’ai signée car je trouvais que c’était un contre-courant féminin intéressant. Mais cette tribune est quand même très intello ! Je ne l’aurais pas écrite comme cela. Et les frotteurs du métro dont elle parle, cela reste des mecs pas nets !
Lire aussi Peggy Sastre : « #MeToo a été accaparé par un féminisme aux allures de religion »
Quels mots auriez-vous choisis pour cette tribune en réaction aux mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc ?
Je dirais qu’on catégorise trop les femmes comme des victimes d’hommes obnubilés par le sexe. Cela nuit à la séduction entre hommes et femmes. Si un homme a les yeux qui se penchent sur mon décolleté, je ne trouverai pas que c’est une insulte. Les hommes fonctionnent comme cela. Si cela me gêne, je n’ai qu’à ne pas mettre de décolleté. Responsabilisons et les hommes et les femmes ! Ce qui me gêne beaucoup dans ce mouvement #MeToo, c’est qu’on ne responsabilise pas les femmes, qui sont réduites à des victimes d’hommes qui ne savent pas se maîtriser. Il faut apprendre aux femmes à se défendre.
Comment ?
C’est en amont qu’il faut régler le problème. Il faut une éducation affective dès la maternelle. Ce qui m’embête dans la question du genre, même s’il y a des femmes qui sont plus masculines que d’autres et des hommes plus féminins que d’autres, c’est qu’on oublie les différences. Il faut expliquer les différences fondamentales dès le début. Ce n’est pas en niant les évidences qu’on va avancer.
À partir de quel âge peut-on parler avec les enfants de ces choses-là ?
Il n’est pas question de parler de sexualité en maternelle. Mais dès la maternelle, on peut faire comprendre à une petite fille que, si elle fait un petit sourire, elle va attirer le petit garçon et qu’il faut qu’elle sache dire « non » si elle ne veut pas. De même, on peut dire à un petit garçon que, s’il a envie de toucher une petite fille, il faut qu’il lui demande si elle en a envie. On pourra alors avancer.
Vraiment ?
Vous savez, cela fait dix-huit ans que j’écoute les hommes et les femmes. Le problème de beaucoup de femmes, c’est qu’elles ont envie, mais elles ne savent pas trop jusqu’où elles veulent aller. Et le problème des hommes, c’est souvent que, dès qu’il y a une petite porte qui s’entrouvre, ils s’y engouffrent. Ce sont deux langages compliqués. Et il faut parfois un interprète.
Cela peut compliquer la relation…
Mais c’est compliqué, les relations hommes-femmes ! Regardez les couples. Les hommes se plaignent que leurs femmes les critiquent. Quand une femme critique, c’est qu’elle veut que quelque chose change, s’améliore. Les hommes doivent chercher à comprendre au lieu de se focaliser sur les critiques. Plus les femmes critiquent, plus les hommes se renferment dans leur caverne et parfois des couples finissent par se séparer.
Trouvez-vous qu’on n’entend pas assez la voix des hommes dans le débat #MeToo ?
Je ne vois pas comment on pourrait les entendre plus. C’est très compliqué aujourd’hui pour les hommes de prendre la parole. Dès qu’ils le font, ils passent pour des salauds ou des machos.
Lire aussi « Beaucoup d’hommes perçoivent #MeToo comme un danger pour leurs privilèges »
Trouvez-vous qu’il y a une forme d’extrémisme dans le féminisme actuel ?
Il y a du fanatisme, comme dans tous mouvements. Le féminisme actuel n’est pas pour la femme mais contre l’homme. Par exemple, je comprends qu’on soit contre la prostitution. Mais laissons la liberté de chacun. Considérer que toutes les prostituées sont des victimes, non, ce n’est pas vrai. Et puis il y a des hommes qui se prostituent. On nous parle aussi de la violence dans les couples. On oublie qu’il y a plein d’hommes tués par leurs compagnes. C’est ce que rappelle bien Peggy Sastre. Bien sûr, il y a plus de femmes mortes. Mais la violence féminine existe. Et une mère qui ferme les yeux quand sa fille se fait abuser par son beau-père, c’est très violent aussi.
Lire aussi Marlène Schiappa : « #MeToo n’a pas réussi à lever le tabou des hommes agressés sexuellement »
Vous considérez-vous comme féministe ?
Oui, depuis toujours, dans le sens où j’ai toujours essayé d’aider les femmes à être celles qu’elles avaient envie d’être. La semaine dernière, j’ai fait une émission sur l’infertilité et la fécondation in vitro. J’ai eu au téléphone des femmes qui cherchaient à savoir comment assumer le fait de ne pas être mère. Il y a aussi cette culture d’être mère pour être femme. C’est très archaïque et présent dans la société. Est-ce nécessaire d’être père pour être un homme ? Non.
Par ailleurs, mes films pornographiques sont des films féministes. J’avais souvent le rôle d’une femme mariée qui vit avec un mari qui ne la satisfait pas et qui décide de prendre des amants. Les hommes étaient au service des actrices. À l’époque, mon porno était donc féministe ! Aujourd’hui, le porno est très machiste. C’est révélateur de la société dans laquelle on vit… Et je n’entends pas beaucoup les féministes sur la question de la pornographie actuelle qui est d’une violence terrible pour les femmes.
Que pensez-vous de la parité ?
J’ai toujours préféré l’éducation aux lois. On parle de parité femmes-hommes, mais quand il y a plus de femmes que d’hommes dans une profession, cela ne dérange personne. On a une société qui se féminise, mais aussi qui « se maternise », pourrait-on dire. Les lois, c’est bien beau, mais il faut revenir à la nature aussi. Il y aura a priori plus de garçons qui ont envie d’acheter une petite voiture et de filles qui veulent une poupée. Et où est le problème ?
Avez-vous peur que la France ne devienne trop puritaine ?
Je suis optimiste, il y a des courants intéressants, comme le polyamour. Et il faut se méfier des réseaux sociaux. Ils ne représentent pas la majorité silencieuse, mais les grandes gueules.
Ce que je trouve dommage, c’est qu’on est dans une société où l’on a toutes les libertés dans notre vie intime, qu’on a tous les choix, et pourtant, les gens sont toujours aussi coincés. Ils ne connaissent pas leurs vrais désirs et n’osent pas s’accorder leur liberté. Globalement, l’être humain a toujours envie d’amour, de sexe et de tendresse. On ne changera pas cela.
Cette affirmation réitérée et assumée haut et fort, outre qu’elle conforte les violeurs dans leur crime, pourrait être acceptable (tout est possible) si elle était contextualisée mais dite de manière aussi péremptoire c’est une incitation au viol.
Tout d’abord Brigitte Lahaie milite pour l’orgasme obligatoire, à l’image de la sexualité mâle : excitation, bandaison, pénétration, éjaculation, roupillon. Outre le fait que la majorité des femmes n’éprouve pas d’orgasme pendant le coït (sujet tabou), de nombreuses études démontrent que le principal organe sexuel de la femme est son cerveau et que son plaisir irradie la totalité de son corps et pas uniquement le clitoris, équivalent organique du pénis. Une femme peut avoir énormément de plaisir, de jouissance, de bonheur, d’extase sans la mécanique de l’orgasme au sens clinique. Or dans le monde de Brigitte Lahaie, une femme anorgasmique -la majorité dans le coït- est une malade qui doit consulter un sexologue -mâle de préférence- et faire de nombreuses expériences sexuelles pour « se trouver » sexuellement, à savoir être « formée » par le mâle. Ce diktat culpabilise les femmes et renforce le sentiment de supériorité des mâles adorateurs de leur orgasme. Et tant pis pour les « pauvres » hommes, forcément à rééduquer, qui n’atteignent pas l’orgasme, qui ne bandent pas ou sont éjaculateurs précoces. Ils n’ont qu’à écouter Brigitte Lahaie pour résoudre leur problème. Na ! Ses copains sexologues apprécient qu’elle leur fournisse de la clientèle, alors quand elle les invite, ils se gardent bien de ne contester sa ligne de pensée quand bien même ils n’approuveraient pas ses affirmations obséquieuses vis-à-vis des préjugés sexistes du grand public, femmes et hommes confondus
Brigitte Lahaie se victimise également parce qu’on lui reprocherait d’être une ancienne star du porno. Mais Brigitte, c’est précisément parce que vous êtes une ex star du porno que les gens imaginent que vous avez tout compris de la sexualité et c’est pour cela qu’ils vous écoutent et font le beurre des annonceurs des radios qui vous accueillent. On le sait, aujourd’hui le porno est l’éducateur sexuel des enfants dès 11 ans. A ce propos oser affirmer comme vous le faites Et je n’entends pas beaucoup les féministes sur la question de la pornographie actuelle qui est d’une violence terrible pour les femmes est un mensonge. Sur le plan des compétences, ce n’est pas parce que vous avez joué dans des scènes de sexe torride que vous connaissez la sexualité des femmes et que vôtre propre expérience de la sexualité vous légitime pour causer de la sexualité féminine qui est tellement complexe qu’elle pose encore aujourd’hui des tas de questions non résolues et qu’elle demeure un mystère pour beaucoup d’experts, ce que vous n’êtes pas.
Quant à avoir un orgasme pendant un viol, savez-vous que la peur, quelle que soit son objet, déclenche des réactions physiques étonnantes et incontrôlables ? En dehors du fait que l’on peut uriner et déféquer dans sa culotte, saigner du nez, de l’anus ou de l’utérus , transpirer excessivement, trembler de tout son corps, avoir un malaise, perdre la raison, perdre la mémoire, faire un pic d’hypertension, perdre la vue momentanément , être paralysée par sidération ou même déclencher un orgasme puisque vous le dites. Il faut croire que cela vous est arrivé pour l’affirmer avec tant d’assurance. Je ne dis pas que cette dernière réaction soit impossible, je dis que l’affirmer comme vous le faites est une manière de rentrer dans le fantasme du violeur et de le conforter dans son crime, minimisant ce dernier puisque la victime en aurait tiré du plaisir. C’est irresponsable et criminel de vôtre part.
Brigitte Lahaie estime que la libération de la parole des femmes victimes de violences sexuelles est actuellement un féminisme qui « n’est pas pour la femme, mais contre l’homme ». A l’instar du magazine « Causeur » parangon de la chasse aux féministes, elle mélange séduction et harcèlement pour en déduire qu’aujourd’hui les hommes n’osent plus aborder les femmes. Elle ne doit pas beaucoup sortir seule de son studio ou alors elle est aveugle, sourde et insensible à tout contact imposé. Quelle est donc l’économie de ce mensonge ? A qui ça profite ? Certainement pas aux femmes quotidiennement harcelées et violées toutes les 7 minutes en France aujourd’hui.
Faudrait-il expliquer à Brigitte Lahaie et les hommes qui la vénèrent qu’il y a un monde entre la séduction et le harcèlement, le charme et la prédation ?
Heureusement, quelques hommes ne tombent pas dans la marre boueuse de Brigitte Lahaie et de ses admirateurs comme ce lecteur du magazine Le Point qui commente son interview :