Culture du viol. Dossier

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INFOGRAPHIES - Première étude sur les victimes de viols à Paris
La palais de Justice, à Paris. Les quartiers où le taux de viol est le plus élevé sont les 1er, 10ème et 9ème arrondissements.@ JACK GUEZ / AFP

Paris : les quartiers où se produisent le plus souvent les viols

Le Parisien | 21 Janv. 2016, 21h21

 

688 viols (598 sur majeurs et 90 sur mineurs) ont été déclarés aux autorités en 2013 et 2014 à Paris. En moyenne, les agresseurs -tous des hommes quand il s’agit des faits sur majeurs- étaient âgés de 34 ans. Leurs victimes – à 93% des femmes – avaient en moyenne 30 ans.

Ces données font partie de l’enquête inédite réalisée par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) que « Le Parisien » « Aujourd’hui en France » dévoile en exclusivité dans son édition de vendredi.

Les chercheurs de l’observatoire ont minutieusement disséqué toutes les caractéristiques des viols parisiens pour dresser une radiographie très complète. L’enquête révèle notamment que, contrairement aux idées reçues, seulement 12% des viols ont été commis sur la voie publique. La majorité des agressions (74%) ont lieu dans des lieux privés, et notamment dans des habitations. Un constat à rapprocher d’une autre statistique : dans près de la moitié des cas, la victime connaît son agresseur.

Le rapport de l’ONDRP dresse aussi la cartographie des viols dans la capitale. Où l’on apprend par exemple qu’en proportion, les arrondissements les plus concernés sont les Ier, Xe et IXe.  Deux quartiers sont pointés du doigt en particulier : Folie-Méricourt (11e) et les abords de la station Belleville (10e, 19 e, 20e).

Retrouvez l’analyse complète de cette enquête dans « Le Parisien » « Aujourd’hui en France » de vendredi

Viols à Paris : les chiffres clés

Profil des victimes

598 viols sur majeurs

90 viols sur mineurs

Age des victimes- de 25: 40.7 %25 – 34: 29.9 %35 – 44: 16.7 %45 – 54: 7.8 %55 et +: 4.9 %
Sexe des victimesHommes: 7.5 %Femmes: 92.5 %FemmesSeries 1: 92.5%

Profil des assaillants

100 % des mis en cause sont des hommes

Lien de connaissanceAucun: 13.0 %Connaissance: 65.0 %Famillle: 22.0 %FamillleSeries 1: 22.0%
NationalitéFrançais: 48.0 %Etrangers: 52.0 %
ActivitéActifs inoccupés: 44.0 %Actifs occupés: 47.0 %Inactifs: 9.0 %

Les lieux

74 % des viols dans des espaces privés

Les périodes

70 % des viols la nuit

Crédits : Le Parisien

27% des Français déresponsabilisent le violeur si la victime portait une « tenue sexy »

10h03, le 02 mars 2016, modifié à 15h09, le 02 mars 2016
27% des Français déresponsabilisent le violeur si la victime portait une "tenue sexy"
Image d’illustration.@ FADEL SENNA / AFP
Une étude parue mercredi démontre que les Français ont encore beaucoup d’idées fausses sur le viol. 

Les clichés sur le viol perdurent : pour quatre Français sur dix, la responsabilité du violeur est atténuée si la victime a une attitude provocante et pour deux sur dix « une femme qui dit ‘non’, ça veut souvent dire ‘oui' », selon une enquête Ipsos pourl’association Mémoire traumatique et victimologie publiée mercredi.

« Une sexualité masculine naturellement violente ». Les Français (61%) et les Françaises (65%) considèrent aussi qu’un homme a plus de mal « à maîtriser son désir sexuel qu’une femme », d’après ce sondage qui constitue la première photographie des « représentations sur le viol et les violences sexuelles ». C’est le mythe « d’une sexualité masculine naturellement violente, pulsionnelle et prédatrice », relève l’association présidée par la psychiatre Muriel Salmona.

« Du plaisir à être forcées ». « Loi du silence, déni, impunité, absence de reconnaissance, de protection et abandon des victimes de violences sexuelles règnent encore en maîtres ». Des stéréotypes semblent ancrés chez les jeunes : 30,7% des 18-24 ans assurent que « les femmes peuvent prendre du plaisir à être forcées lors d’une relation sexuelle ». La banalisation de la pornographie sur internet, toujours plus « hard », pourrait expliquer cette opinion, selon l’association.
Presque tous les Français (96%) qualifient à juste titre de viol « le fait de forcer une personne qui le refuse à avoir un rapport sexuel », mais 24% considèrent par exemple qu’une fellation relève de l’agression sexuelle, non du viol.

Le violeur déresponsabilisé. De même, plus d’un Français sur quatre (26%) juge que lorsqu’une victime ne résiste pas aux menaces de son assaillant, ce n’est pas un viol mais une agression sexuelle. Flirter, accepter de suivre chez lui un inconnu, constitue aussi pour 27% des Français un motif de déresponsabilisation du violeur, sur le mode « Elle l’a bien cherché… ». Les sondés mettent également en doute la parole des victimes qui mentiraient pour se venger (32%) ou attirer l’attention (23%).

Les viols en chiffres. Quelque 98.000 viols ou tentatives de viol, dont 14.000 sur des hommes, sont perpétrés chaque année en moyenne. On arriverait sans doute « à plus de 200.000 » en incluant les mineurs, premières victimes des violences sexuelles, selon l’association.

« En France, le viol est à la fois banalisé, minimisé et sous-estimé »

17h02, le 04 mars 2016
Sur Europe 1, la psychiatre Muriel Salmona a réagi au sondage indiquant que 27% des Français déresponsabilisent le violeur.
INTERVIEW

Douche froide mercredi lors de la publication d’un sondage Ispos pour l’association Mémoire traumatique et victimologie. L’étude indique notamment qu’un Français sur quatre déresponsabilise le violeur car la victime « l’a bien cherché ».

La culture du viol. Pour ces 27% de sondés, certains comportements expliqueraient l’attitude de l’agresseur. « Dans la tête des gens, c’est à cause d’une tenue vestimentaire, d’un sourire, parce qu’on est séduisante, mignonne ou qu’on flirte », a déploré la psychiatre Muriel Salmona dans Il n’y en a pas deux comme elle vendredi. Et ce phénomène a un nom. « La culture du viol va mettre en cause la victime ou la culpabiliser », a expliqué la psychiatre pour qui, « le viol est à la fois banalisé, minimisé et sous estimé », en France.

D’autres clichés ont la vie dure. L’étude révèle également d’autres stéréotypes. Ainsi, 61% des Français et 65% des Françaises considèrent qu’un homme a plus de mal « à maîtriser son désir sexuel qu’une femme ». « C’est un stéréotype sur la sexualité masculine qui est vue comme une prédation », a regretté Muriel Salmona.

Autre idée à chasser des têtes, l’idée que l’agresseur est un inconnu, tapis dans les recoins d’une rue sombre. Dans 90% des cas, il s’agit en fait de quelqu’un connu par la victime et même de la famille. Parfois, il s’agit tout simplement du conjoint. « Etre en couple ne fait pas que votre corps appartient à l’autre. Le consentement se fait en dehors de tous liens », a rappelé la psychiatre.

Viols dans les faits divers : ces clichés trop courants

18h00, le 02 mars 2016, modifié à 09h11, le 03 mars 2016

  • Viols dans les faits divers : ces clichés trop courants
Une manifestation lors de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes à Paris, le 25 novembre 2011.@ MEHDI FEDOUACH / AFP
La journaliste Sophie Gourion a créé un blog sur le traitement par les médias des violences faites aux femmes qui, selon elle, a tendance à les dédramatiser.

« Un amour impossible entre un homme de 42 ans et une ado de 14 ans », « Marseille : prison avec sursis pour le médecin tripoteur » (1). Quel est le point commun de ces articles tirés de la rubrique « Faits divers » ? Ils racontent des violences faites aux femmes, tout en colportant des clichés sur le viol. La blogueuse et journaliste Sophie Gourion les compile depuis mardi dans un Tumblr intitulé Les mots tuent. Pour elle, le traitement des violences de genre dans les médias véhicule un « mode de pensée insidieux », qui a tendance à minimiser ces violences et à en déresponsabiliser les auteurs. « La course au clic » et au sensationnel, ainsi que la recherche de titres qui attirent l’attention des lecteurs ont, selon elle, des conséquences non négligeables.

La démarche de la journaliste fait écho à une étude Ipsos publiée mercredi par l’association « Mémoire traumatique et victimologie » sur les représentations que les Français se font du viol. Sa conclusion : « Nous vivons dans une société où la méconnaissance de la réalité des violences sexuelles, de leur fréquence et de la gravité de leur impact traumatique, conduit à les reléguer dans la catégorie ‘Faits divers’ alors qu’elles représentent un problème majeur de santé publique, et participe à la non reconnaissance des victimes et à leur abandon sans protection, ni soin ». Comment les mots de médias participent-ils à la méconnaissance des violences de genre, autrement dit à ce que l’on appelle la « culture du viol » ? Europe1.fr a répertorié les trois clichés les plus courants dans les articles consacrés aux faits divers.

1. Le « drame familial »

L’expression de « drame familial » pour qualifier le meurtre d’une femme (et parfois de ses enfants) par son conjoint est très courante dans la rubrique « Faits divers ». « La séparation tourne au drame familial », peut-on lire dans un quotidien à propos d’un homme qui a poignardé sa fille et sa femme parce que cette dernière voulait le quitter. « Drame familial : le mari mis en examen pour assassinat et viol par conjoint », titre un autre journal au sujet d’un habitant de Savoie qui a violé et tué femme. « Cette expression appartient au champ lexical du théâtre », analyse Sophie Gourion. « Elle fait appel à l’émotion et romance un acte ignoble. »

La blogueuse estime que ces mots mettent l’accent sur l’aspect tragique ou supposé romanesque des faits, avec l’idée que l’auteur des faits est « violent malgré lui ». Elle cite un autre article qui donne un aspect romanesque au meurtre sordide d’une femme par son compagnon, qui ne supportait pas leur séparation : « Une jalousie qui n’est pas un stade extrême de la jalousie, mais relève d’un délire paranoïaque. De celle qui, dans la pièce de Shakespeare, pousse Othello à tuer sa femme Desdemone, persuadé que celle-ci le trompe ».

Dans une tribune publiée en 2014 dans Libération, le collectif de femmes journalistes « Prenons la Une » juge que l’expression de « drame familial » atténue la responsabilité des agresseurs : « La passion, c’est ce qui nous dépasse. Le drame évoque l’accident, et occulte la violence. A chaque fois qu’un(e) journaliste utilise ces termes, c’est l’argumentaire du meurtrier qui est retenu ».

2. Le « dérapage »

Pour Sophie Gourion, « dérapage », cet autre grand classique des faits divers en particulier et des médias en général est un mot qui veut dire « tout et n’importe quoi » et qu’on utilise « dès que quelque chose sort de la route »… Avec le risque de faire passer les violences évoquées pour un fait sans gravité ou un simple écart. Elle cite l’exemple d’un journal qui a posté un article sur une affaire de harcèlement sexuel sur Facebook accompagné du commentaire suivant : « Le vice-président aurait dérapé avec une jeune lycéenne, au cours d’une manifestation de la confrérie ».

Ce terme « minimise complètement l’acte et sous-entend qu’il s’agit d’un fait isolé, alors qu’un cinquième des violences faites aux femmes l’ont été de manière répétée ». La blogueuse considère que cette tendance tient également à la nature de la rubrique « Faits divers » et aux contraintes temporelles des journalistes, obligés d’écrire dans l’urgence. Ils n’ont souvent pas le temps d’enquêter ou d’aller plus loin, ce qui les oblige à raconter les faits hors contexte : leurs articles ne disent pas si de telles violences ont déjà eu lieu ou se sont répétées. « C’est le problème des faits divers », avance Sophie Gourion. « Ces articles se retrouvent entre deux chiens écrasés. »

Le classement des viols ou des violences de genre dans cette catégorie occulte également sa dimension généralisée et sociétale. « Lorsqu’il révèle un phénomène longtemps occulté, le fait divers se transforme en fait de société, il cesse d’être un fait divers, événement inclassable, individuel et insignifiant et devient un phénomène social et collectif », selon l’historienne Anne-Claude Ambroise-Rendu,citée dans Le viol, un crime presque ordinaire, d’Audrey Guiller et Nolwenn Weiler.

3. La « drague » et le « dépit amoureux »

Les articles traitant d’agressions sexuelles évoquent parfois une situation de « drague » qui aurait, là aussi, « dérapé ». Comme cette brève d’un site Internet qui décrit le meurtre et l’agression d’une femme comme « une drague qui aurait mal tourné ». Où est la limite entre une tentative de séduction et une agression sexuelle ou un viol ? Elle se trouve dans le consentement de la femme concernée. Cette problématique transparaît dans l’étude d’Ipsos pour « Mémoire traumatique et victimologie ». Moins de la moitié des personnes interrogées (40%) estime qu’il y a viol ou tentative de viol lorsque « à partir du moment où la personne continue à essayer de la forcer alors qu’elle a dit non à plusieurs reprises ».

L’évocation fréquente d’hommes qui agressent des femmes « par dépit amoureux » ou de « ruptures pas encore pleinement consommées » au lieu de viols dérange également Sophie Gourion, qui évoque la possessivité de certains agresseurs. « L’idée du devoir conjugal est encore très répandue. Plus de 55% des violences de genre ont lieu lorsque une femme menace de quitter son partenaire », lâche-t-elle. Pour la journaliste, ce cliché du mâle possessif et incapable de se retenir fait également du tort aux hommes. Dans ce type de langage, « il y a une double violence de genre, pour les hommes et pour les femmes », conclut-elle.

(1) Les exemples cités dans cet article sont tirés du Tumblr Les mots tuent.

SourcesLa plupart des articles réunis dans ce dossier ont été publiés sur le site d’Europe1 à l’occasion de la campagne officielle contre le viol

Une campagne de sensibilisation au viol va être lancée samedi pour combattre les stéréotypes dont les femmes sont trop souvent victimes.

C’est un écœurant parfum de clichés qu’on pensait oubliés. Un sondage, publié mercredi, révèle que près d’un tiers (30,7%) des 18-24 ans assurent que « les femmes peuvent prendre du plaisir à être forcées lors d’une relation sexuelle ». Pour combattre ces idées reçues, une campagne de sensibilisation, intitulée « Mémoires », va être lancée samedi à la radio.

Quand les clichés forcent au silence. Trois femmes, victimes de viol, y livrent leur douloureux témoignage. Comme Mathilde, la soixantaine, qui s’est tue pendant des années par crainte des « commérages ». « Le frère de mon amie Louise avait insisté pour nous accompagner au bal. Je sentais que je lui plaisais. Une fois rentrés, quand toute la maison dormait, il s’est glissé dans mon lit et il m’a violé », raconte-t-elle, la voix chevrotante. « Se taire 40 ans… Aucune femme ne mérite ça ».

L’objectif de cette campagne est donc, aussi, d’inciter les femmes victimes de viol à parler. La plupart d’entre elles ont toujours du mal à admettre qu’elles ont subi une violence sexuelle. C’est ce qui pourrait expliquer qu’un femme sur dix ne porte pas plainte après un viol.

« Permettre la libération de la parole ». Ce silence pesant peut avoir de graves conséquences sur la santé des victimes. « C’est très important de casser ces stéréotypes pour permettre la libération de la parole pour qu’enfin, les crimes de viols soient punis », souligne le docteur Gilles Lazimi, coordinateur de la campagne. A ces femmes, « il faut leur dire une chose : ‘Je vous crois, il n’a pas le droit, c’est la loi' ».

Un numéro national d’écoute et d’informations existe. Vous pouvez contacterViol Femmes Information au 0 800 05 95 95. Numéro d’appel gratuit, accessible du lundi au vendredi de 10h à 19h.

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