Egypte: place de la liberation

La couverture de la révolte égyptienne par nos médias habituels est on ne peut plus pauvre et médiocre. Après avoir zappé de chaine de TV en station de radio pour comprendre des évènements aussi importants je me suis arrêtée sur Al Jazzeera International dont la caméra, braquée sur la place Tahrir, Liberation square, comme ils disent, donnait des nouvelles en temps réel avec une foultitude de commentateurs (surtout des commentatrices, ce qui est remarquable), correspondants locaux, médecins, manifestants.

Il apparait que la place Tahrir du Caire, dénommée place de la liberté, est devenue un enjeu stratégique pour les Egyptions. Elle est le sympole de la révolte contre le système Moubarak. C’est là que se sont rassemblés près de 2 millions de manifestants pour réclamer le départ du dictateur. Deux jours plus tard, des irréductibles s’y sont barricadés tandis que leurs adversaires pro Moubarak viennent de toutes l’Egypte soutenir leur président.

Hier, mercredi, des hordes de partisans de Moubarak se sont dirigées vers la place de la Liberté armés de gourdins, de couteaux, de pierres et montés, pour certains, sur des chevaux et des chameaux. L’armée qui a disposé ses tanks autour de la place a, par sa présence et pas forcément par sa volonté, limité les affrontements entre opposants et partisans de Moubarak. Des coups de feu sont partis, il y a eu officiellement 3 morts et 1500 blessés depuis le début des évènements. Ce jeudi, il y aurait eu une centaine de morts dus en partie aux affrontements d’hier entre pro et anti Moubarak et à l’intervention de l’armée qui semble bouger de la position de neutralité qu’elle semblait avoir adoptée jusqu’alors.

On dit même que l’armée empêcherait les journalistes de faire leur travail, aidés par la police qui est également sortie de son apparent calme.

Alors que tous les experts s’évertuaient à nous persuader que l’Islam n’avait rien à voir dans la révolte égyptienne, les Frères musulmans sortent de l’ombre et du silence, exigeant le départ de Moubarak et de ses sbires, de toute son équipe.

Les Egyptiens n’ont jamais digéré leur défaite contre Israël à la suite de la guerre des 6 jours. Sadate avait tenté d’en faire une victoire en signant les accords de Camp David avec, à la clef, l’entretien de son armée par les Américains. Sadate l’a payé de sa vie, assassiné par des islamistes, les Frères musulmans, les mêmes qui sont en train de tirer les marrons du feu.

Ce n’est pas un hasard si on a pu entendre des manifestants « pour la démocratie » vitupérer contre Israël et brandir un portrait géant de Moubarak portant un bandeau noir sur l’oeil à l’image de Moshé Dayan, le vainqueur de la guerre des 6 jours. La vengeance est un plat qui se mange froid.

Prétendre que la révolte égyptienne est une guerre civile, un affaire strictement intérieure pour le peuple qui ne demanderait rien d’autre que la liberté et la démocratie avec le départ de Moubarak et de sa clique n’a rien d’exact. En toute connaissance de cause ou en toute naïveté, les révoltés égyptiens font de la géopolitique avec à la clef une refonte des forces en présence dans la région.

Comme souvent, le peuple se tape dessus tandis que des pouvoirs attendent le moment opportun pour le mater et imposer leur loi.

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